Quinze gravures des ruines d'Orléans

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QUINZE GRAVURES DES RUINES D'ORLEANS
Louis-Joseph SOULAS
Recueil - A Orléans chez l'auteur - 1947


15 gravures au burin et un bois en page de titre
In folio en feuilles - chemise et étui
Tiré à 30 exemplaires numérotés
+ quelques exemplaires hors commerce




En outre, tirage d'estampes de chacune des quinze gravures numéroté de 1 à 75


Soulas, prisonnier en Poméranie au moment du bombardement d'Orléans, raconte dans la préface de l'ouvrage :
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C'est au fond d'une des tristes baraques empuanties qui s'alignaient sur l'aride plateau d'Hammerstein, brûlé par le soleil de 1940, que j'appris le drame. Au milieu des corps affalés, parmi les hardes étalées, l'homme était debout, et sa voix de Parisien avait un accent traînant.

Venant d'Orléans, un convoi était arrivé la veille au camp. Malgré les clôtures barbelées qui interdisaient tout contact des nouveaux venus avant qu'ils ne soient minutieusement épluchés et correctement dépouillés, un homme de ce convoi avait pu, trompant la vigilance des sentinelles, arriver jusqu'à nous, donner du tabac, du pain et des nouvelles.

Le timbre de cette voix est resté dans mes oreilles. Mais les traits du visage de l'homme se sont presque instantanément dissous, perdus dans la multitude de milliers de physionomies captives, qui remuaient comme des épis sous le vent, pendant ces interminables rassemblements pour l'appel, la soupe, la fouille ou les départs vers l'hostile inconnu.

« Tout le centre d'Orléans est détruit », disait soudain la voix. Je m'étais rapproché et, d'un ton en apparence indifférent, je posais des questions. Les réponses tombèrent, précises et brutales : « Tout le côté droit du Martroi, la rue de la Hallebarde, la rue d'Illiers, la rue Bannier...»

J'habitais cette rue. Je ne dis plus rien, j'entendais encore la voix, mais elle semblait à présent venir de très loin... « Une torpille sur le Select, puis des bombes incendiaires, ça brûle encore, depuis deux mois... »
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Etendu sur ma couche dure, absent, recroquevillé sur mon passé, seule chose qui me restât, je songeais aux miens, je revoyais l'appartement, les meubles anciens, les peintures, les statues, les livres, et tous ces cartons bourrés de dessins, d'études, de ces milliers de croquis fébrilement tracés, récoltés au cours de moissons successives, dans l'enthousiasme de la jeunesse impatiente d'enregistrer, d'amasser pour l'avenir.

Je ne pouvais croire que tout cela n'existât plus...